jeudi 31 janvier 2013

Pourquoi porter son attention sur sa respiration

Lorsqu'on demande aux gens venus à la Clinique de réduction du stress quel fut pour eux le principal apport du programme, ils répondent toujours : « La respiration. Et savoir que je ne me réduis pas à mes pensées. »
Bien sûr, ils respiraient déjà auparavant. Ils veulent donc parler d'une prise de conscience de leur propre respiration : ils ont découvert comment la pleine conscience de leur souffle pouvait être cultivée dans des moments de calme et appliquée aux activités quotidiennes.
Le second élément de leur réponse souligne que, pour la plupart, nous ne sommes que vaguement conscients de penser sans cesse. Nous ne le ressentons pleinement qu'à partir du moment où nous prêtons une attention systématique à notre respiration, où nous commençons à observer sans juger ce que nous avons en tête. Nous comprenons alors qu’il est bien difficile de stabiliser notre attention, de rester concentré sur une chose, notre souffle par exemple.
Quand nous nous intéressons à notre respiration et à ce qui, dans notre esprit, nous en détourne, nous voyons aussitôt que la pensée ne cesse jamais et que la plupart de nos pensées sont catégoriques et en partie ou en totalité inexactes. Nous voyons que notre pensée cherche surtout à juger et à évaluer nos perceptions, à générer des idées et des opinions. Nous voyons aussi que notre pensée est complexe, chaotique, imprévisible, souvent incohérente et contradictoire.
Ce flux de pensée est constant, pratiquement à notre insu. Nos pensées semblent animées d'une vie propre. Comme des nuages, elles vont et viennent, ce sont les incidents successifs qui se produisent dans le champ de notre conscience. Pourtant, nous nous en servons pour créer sans cesse des modèles de réalité, sous la forme d'idées et d'opinions sur nous-mêmes, sur les autres et sur le monde, puis nous les croyons vraies et nous rejetons souvent les preuves du contraire.
(KABAT-ZINN Jon et Myla, « À chaque jour ses prodiges, Être parents en pleine conscience » [1997], Éditions Les Arènes, 2012, Préface Christophe André [2012], p.134-135)

Aigrette, Bretagne (France)

lundi 28 janvier 2013

Et si parfois nous commencions par changer notre réaction au problème ? ...suite

Soukha [L’expression « bien-être » serait le plus proche équivalent du concept de soukha, si ce mot n’avait perdu de sa force pour ne plus désigner qu’un confort extérieur et un sentiment de contentement assez superficiels.] est étroitement lié à la compréhension de la manière dont fonctionne notre esprit et dépend de notre façon d’interpréter le monde, car, s’il est difficile de changer ce dernier, il est en revanche possible de transformer la manière de le percevoir.
Je me souviens d’un après-midi où j’étais assis sur les marches de notre monastère au Népal. Les orages de la mousson avaient transformé le terre-plein en une étendue d’eau boueuse et nous avions disposé des briques pour pouvoir la franchir. Une amie se présenta au bord de l’eau, regarda la scène d’un air dégoûté, et entreprit la traversée en rouspétant à chaque brique. Arrivée devant moi, elle leva les yeux au ciel en s’exclamant : « Pouah … Imagine que je sois tombée dans cet infâme bourbier ! Tout est si sale dans ce pays ! » La connaissant bien, j’acquiesçai prudemment, espérant lui offrir quelque réconfort par ma sympathie muette. Quelques instants plus tard, une autre amie, Raphaèle, se présenta à l’entrée de la mare. Elle me fit un petit signe, puis entreprit de sautiller de brique en brique. « Hop, hop et hop … » chantonnait-elle, et elle atterrit sur la terre ferme en s’exclamant : « Comme c’est amusant ! », les yeux pétillant de joie, ajoutant : « Ce qu’il y a de bien avec la mousson, c’est qu’il n’y a pas de poussière. » Deux personnes, deux visions des choses ; sept milliards d’êtres humains, sept milliards de mondes.
(Matthieu RICARD, « Plaidoyer pour le bonheur », Pocket n°12 276, 2005, p.17)

Cactus, Jardin botanique de Funchal (Madère, Portugal)

vendredi 25 janvier 2013

Comment distinguer une émotion constructive d’une émotion destructrice ?

« Comment les bouddhistes distinguent-ils une émotion constructive d’une émotion destructrice ? À la base, cette dernière – qu’on peut aussi qualifier de facteur mental « perturbateur » ou « afflictif » – est celle qui empêche l’esprit de voir la réalité elle qu’elle est. En présence d’une émotion destructrice, il y a toujours un écart entre l’apparence des choses et leur réalité.
« L’attachement excessif pour une chose ou une personne – le désir, par exemple – nous cache l’équilibre entre ses caractéristiques plaisantes et déplaisantes, nous conduisant à le considérer un temps comme attrayant à cent pour cent – ce qui attise notre désir. L’aversion nous cache certaines qualités positives de l’objet et nous le rend négatif à cent pour cent, attisant alors notre désir de le repousser, le détruire ou le fuir.
« Ce genre d’états émotionnels détériore notre jugement, notre capacité à évaluer correctement la nature des choses. C’est pourquoi nous disons qu’ils sont perturbateurs : ils voilent la réalité. Ils finissent même par obscurcir notre vision plus générale de la nature même des choses, le fait qu’elles sont impermanentes et dépourvues de propriétés intrinsèques. Ces états sont donc perturbateurs à tous les niveaux.
« Ainsi, les émotions perturbatrices restreignent notre liberté car elles contraignent nos pensées à s’enchaîner de manière à nous faire penser, parler et agir de façon biaisée. Au contraire, les émotions constructives sont porteuses d’une appréciation plus correcte de la nature de ce qu’on perçoit – elles reposent sur un raisonnement sain. »
(Dalaï-lama, Daniel Goleman, … « Surmonter les émotions destructrices », Pocket n°12 331, 2008, p. 151-152)

Rollier d'Abyssinie, région de Bandiagara (Mali)

mardi 22 janvier 2013

Bouddha et le bandit

Bouddha fut un jour menacé de mort par un bandit appelé Angulimal.
« Alors, soyez assez bon de combler mon dernier désir, dit Bouddha : coupez la branche de cet arbre. »
Un coup d’épée, et ce fut fait. « Et maintenant ? » demanda le bandit.
– Remettez-la à sa place, dit Bouddha.
Le bandit se mit à rire : « Vous devez être fou de penser qu’on puisse faire ça. »
– Au contraire, c’est vous qui êtes fou de penser que vous êtes puissant parce que vous pouvez blesser et détruire. C’est là la tâche des enfants. Les puissants savent comment créer et guérir.
(Anthony de Mello, s.j., « Histoires d’humour et de sagesse » [1987], Éd. Albin Michel poche 2011 n°172, p.101)

Tassili N'Ajjer, près de Djanet (Algérie)

dimanche 20 janvier 2013

Les médias et la violence

Dans un ménage américain moyen, nous disent certaines études, la télévision est allumée environ sept heures par jour, et de nombreux enfants la regardent de quatre à sept heures par jour. Ils y consacrent donc plus de temps qu’à n’importe quelle autre activité, si ce n’est à dormir. Ils sont exposés à des quantités impressionnantes d’informations, d’images et de bruits. La plupart sont frénétiques, violents et anxiogènes. Tous sont artificiels et bidimensionnels. Ils ne sont pas reliés aux expériences que les enfants font vraiment dans leur vie, en dehors de celle qui consiste à regard la télé.
Les films d’horreur en vogue exposent également les enfants à des images d’une violence et d’un sadisme extrêmes. Des simulations caricaturales, comprenant des meurtres, des viols, des mutilations et des démembrements, sont devenues très courues parmi les jeunes. Ces simulations très parlantes font à présent partie du régime des jeunes esprits, des esprits qui ont peu de défenses contre ce genre de distorsion de la réalité. Ces images sont très fortes pour troubler et déformer le développement d’un esprit équilibré, particulièrement s’il n’y a pas, dans la vie de l’enfant, une force égale pour les contrebalancer. Pour de nombreux enfants, la vie réelle est fade en comparaison de l’excitation des films, et il devient de plus en plus difficile, même pour les réalisateurs, de conserver l’intérêt de leurs spectateurs sans rendre les images plus fortes et plus violentes à chaque nouvelle production.
Nous n’avons pas idée de ce que ce nouveau régime des enfants américains des années 1980 donnera dans les décennies à venir. Il y a cependant déjà bien trop de cas d’adolescents et de jeunes adultes ayant tué d’autres personnes après avoir vu et s’être inspirés de films violents, comme si, dans leur esprit, la vie réelle était simplement une extension de ces films, et comme si la vie, les peurs et la souffrance des autres n’avaient pas de valeur, ou ne prêtaient pas à conséquence. Ce régime semble catalyser une profonde déconnexion des sentiments humains d’empathie et de compassion, au point où de nombreux enfants ne s’identifient plus à la peine d’une victime. Un article récent sur la violence des teenagers rapporte qu’à seize ans, les jeunes Américains ont assisté passivement, à la télévision et au cinéma, à une moyenne approximative de deux cent mille actes de violence, dont trente-trois mille meurtres.
(Dr Jon Kabat-Zinn, « Au cœur de la tourmente, la pleine conscience » (1989), J’ai Lu n°9 932, 2012, Préfaces de Thich Nhat Hanh (1989) et Christophe André (2009), p.698-699)
Jon Kabat-Zinn est l’inventeur d’une méditation accessible à tous : la « méditation en pleine conscience ». À ce jour [en 2012], plus de 550 centres, hôpitaux ou cliniques utilisent la MBSR aux États-Unis, et plus de 700 à travers le monde, l’utilisent comme outil de soin.

Champignon, Sologne (France)

jeudi 17 janvier 2013

Et si parfois nous commencions par changer notre réaction au problème ?

S'arrêter pour respirer
Face aux souffrances, aux détresses, commencer par respirer.
En général, on préfère ruminer ou se tourmenter ; cela nous parait plus digne et plus réaliste ou plus efficace, quand on est dans ses soucis. Quelque temps après, on comprend que c’était absurde, bien sûr, de s’être tant inquiété. Mais trop tard ; et, en général, on préfère oublier. Et penser à autre chose. En attendant les ennuis suivants où tout recommencera exactement comme avant.
Alors, la pleine conscience nous propose de respirer, de travailler sur notre souffrance lorsqu'elle est là. À ce moment, ne chercher ni à la supprimer, ni à la résoudre, ni même à se sentir bien : juste rester là avec son souffle, comme avec un vieil ami qui ne sait pas encore quoi nous conseiller, mais qui est avec nous, qui reste à nos côtés. Et sa présence, sa belle présence, est peut-être plus importante, finalement, que le problème lui-même...
Notre respiration, en pleine conscience, va avoir peu à peu un effet émollient. Là où la rumination solidifie nos pensées et émotions désagréables, la pleine conscience les ramollit, comme la flamme d’une bougie ramollit la cire. Portons nos expériences désagréables à la lumière et la chaleur de la pleine conscience. Même si nous nous sentons fragiles et démunis, même si nous savons que cela ne changera pas le problème. Pourquoi vouloir commencer par changer le problème? Et si parfois nous commencions par changer notre réaction au problème ?
(Christophe ANDRÉ, « Méditer, jour après jour », Éd. L’iconoclaste, 2011, p. 198-199)

Fleur de magnolia, pistil et étamines

lundi 14 janvier 2013

Dépasser les concepts, les notions, les idées qui peuvent fermer à la compréhension

Le fait de croire en une vérité absolue nous ferme à la compréhension et à la sagesse des autres, parce que l’objet de notre foi est une idée et non quelque chose de vivant. Mais si l’objet de votre foi est votre expérience directe et votre vision profonde, vous serez toujours ouvert. Vous pourrez grandir chaque jour dans votre pratique, en partager le fruit autour de vous et faire grandir votre foi, votre amour et votre bonheur.
Il y a eu beaucoup de persécutions au nom de la foi ou de l’amour. Si je suis persuadé que ma notion de Dieu, du bonheur et du nirvâna est parfaite, je voudrai vous l’imposer : « Si vous ne croyez pas comme moi, vous ne serez pas heureux. Je vais tout faire pour vous imposer mes notions, jusqu’à vous détruire. Je vais vous rendre malheureux pour le reste de vos jours. » Nous nous détruisons les uns les autres au nom de la foi, au nom de l’amour, simplement parce que les objets de notre foi et de notre amour ne sont pas la vision profonde et l’expérience directe de la souffrance et du bonheur, mais de simples notions et de simples idées.
(Thich Nhat Hanh, « Bouddha et Jésus sont frères », J’ai Lu n°11 555, 2010, p. 76)

Automne, feuilles mortes et reflets, canal de Nantes à Brest (France)

vendredi 11 janvier 2013

De l'importance de la façon dont nous percevons les choses

Un vieux sage chinois se promenait dans la campagne enneigée quand il aperçut une femme en larmes.
« Pourquoi pleures-tu ? » lui demanda-t-il.
- « Parce que je me souviens du passé, de ma jeunesse, de la beauté que me renvoyait le miroir, des hommes que j’ai aimés. Dieu a eu la cruauté de me donner la mémoire. Il savait que je me rappellerais le printemps de ma vie et que je pleurerais. »
Le sage contempla la campagne enneigée, le regard fixé sur un point déterminé. À un moment, la femme cessa de se lamenter : « Que regardez-vous là-bas ? » demanda-t-elle.
- « Un champ de roses », répondit le sage. « Dieu a été généreux avec moi en me donnant la mémoire. Il savait qu’en hiver je pourrais toujours me rappeler le printemps, et sourire.
(Paulo COELHO, « Maktub », 1994, Éditions Anne Carrière, 2004, p. 136  ; J'ai Lu n°9651, 2011, p.131)

Fleur de nénuphar

mardi 8 janvier 2013

Observer ses pensées d’un point de vue distancié

Dans la grande salle d’un cinéma parisien, deux hommes s’assoient côte à côte. Ils ne se connaissent pas. Le premier sort à peine du travail et vient pour se détendre et se vider la tête. Le second a déjà vu le film trois fois. Il prend des cours pour devenir cinéaste et rédige un mémoire sur la manière dont le réalisateur utilise l’éclairage. Ces deux hommes vont vivre deux expériences radicalement différentes. Le premier va laisser sa vie de côté pendant deux heures et se laisser transporter dans l’univers glauque des gangs new-yorkais. Pendant ces deux mêmes heures, le second restera immobile, mais admiratif, devant un film projeté en deux dimensions sur l’écran d’un cinéma parisien. Fin de l’histoire.
Un livre consacré à l’attention se doit d’aborder cette grande fresque autobiographique, ce grand spectacle son et lumière dont nous sommes à la fois le personnage principal, le metteur en scène et l’unique spectateur : nos pensées. Jusqu’à présent, ce livre ne s’est intéressé qu’à la distraction de l’attention par des événements du monde extérieur ; mais quand l’attention s’échappe, c’est bien souvent vers l’intérieur qu’elle s’oriente : nous sommes « dans la lune », « rêveurs » ou « perdus dans nos pensées ». Il est grand temps de tourner notre regard vers ce monde intérieur et vers toute cette agitation qui l’anime pour nous emporter parfois loin, très loin, de l’espace physique où se situe notre corps.
Bien que le flot turbulent de nos pensées agite en permanence notre esprit, il est rare que nous prenions le temps de les regarder vivre. En général, nous vivons nos pensées comme le spectateur qui est venu se distraire vit son film : sans aucun recul. Il est pourtant utile de savoir parfois adopter le mode d’observation intéressé mais un peu distancié de l’étudiant qui est en train d’écrire un mémoire. Cette attitude de « cinéaste », qui consiste à prendre le temps d’observer ses pensées d’un point de vue presque technique s’appelle méditation. Ce terme peut surprendre dans un ouvrage scientifique ; mais soyons pragmatiques : il faut savoir faire feu de tout bois pour comprendre l’attention. En l’occurrence, la compréhension de phénomènes mentaux aussi privés que le sont les pensées ne peut pas faire l’économie d’une phase d’observation de soi-même. Il s’agit bien d’une forme d’introspection, mais dont le but n’est pas de produire des faits scientifiques pour valider une théorie du fonctionnement mental, comme l’entendaient les introspectionniste mais plutôt de guider, el de contraindre, des recherches sur cerveau menées par ailleurs de façon objective. Cette approche est celle d’un courant de recherche en neurosciences appelé neuro-phénoménologie, fondé dans les années 1990 par le neurobiologiste chilien Francisco Varela à partir de la phénoménologie des philosophes Edmund Husserl et Maurice Merleau-Ponty. Il s’agit d’un retour à l’observation de sa propre vie mentale, dans un cadre rigoureux rappelant explicitement les techniques de méditation développées dans ce but depuis 2 500 ans sur le continent asiatique.
(LACHAUX Jean-Philippe, « Le cerveau attentif ; Contrôle, maîtrise et lâcher-prise » (2011), Éditions Odile Jacob Poche n°328, 2013, p. 197-199)

Ruines du palais et temples de Basgo, Ladakh (Inde)

samedi 5 janvier 2013

Le contentement

Le berger aime tous les temps
– « Quel temps allons-nous avoir aujourd’hui ? »
– « La sorte de temps que j’aime bien. »
– « Comment savez-vous que ce sera la sorte de temps que vous aimez bien ? »
– « Je me suis rendu compte, que je ne peux pas toujours obtenir ce que j’aime : alors, j’ai appris à aimer ce qui m’est donné. C’est pourquoi je suis parfaitement sûr que nous allons avoir la sorte de temps que j’aime bien. »
Bonheur et malheur résident dans la manière dont nous prenons les choses, non dans la nature même de ces choses.
(Anthony de Mello, s.j., « Histoires d’humour et de sagesse » [1987], Éd. Albin Michel poche 2011 n°172, p.215)

Maisons après la pluie, De Rijp (Pays-Bas)

mercredi 2 janvier 2013

Comprendre la nature de l’esprit

Lorsque l’esprit s’examine lui-même, que peut-il apprendre sur sa propre nature ? La première chose qu’il constate est que d’innombrables pensées suscitées par nos sensations, nos souvenirs ou notre imagination traversent continuellement notre esprit, presque à notre insu. Mais n’y a-t-il pas aussi une conscience première, toujours présente derrière ce mouvement, même en l’absence de pensées, une présence que l’on pourrait appeler la faculté fondamentale qu’a l’esprit de connaître ou d’être conscient ?
En observant sans relâche, on ne peut manquer de faire l’expérience de cette présence éveillée et de la façon dont les pensées surgissent en elle. Elle existe donc, d’une certaine façon, mais, à part cela, que peut-on en dire ? Et les pensées, maintenant, si on les scrute attentivement, peut-on leur attribuer une quelconque caractéristique, une existence réelle ? Où se trouvent-elles ? Ont-elles une couleur ou une forme ? On aura beau chercher, on ne trouvera au bout du compte que cette faculté de connaître que nous venons de mentionner, mais pas de réalité en soi. ...
... Lorsqu’une pensée ou une émotion comme la colère surgit dans notre esprit, que se passe-t-il d’habitude ? Nous nous laissons submerger. Cette pensée prend de l’ampleur et donne lieu à de nombreuses autres pensées qui nous perturbent, nous aveuglent et nous incitent à prononcer certaines paroles ou à commettre certains actes, parfois violents, qui font souffrir les autres et deviennent souvent pour nous une source de regret. Or il est possible, au lieu de laisser cette réaction en chaîne se produire, d’examiner les pensées avant qu’elles ne prolifèrent. On s’apercevra alors qu’elles n’ont pas la réalité solide qu’on leur prêtait, et il sera possible de se libérer de leur emprise.
... Si l’on comprend que les pensées surgissent de la conscience éveillée, l’esprit fondamental, puis s’y résorbent, comme les vagues émergent de l’océan pour s’y dissoudre à nouveau, on a fait grand pas vers la paix intérieure, car les pensées ont perdu une grande partie de leur pouvoir de nuire.
Pour nous familiariser avec cette méthode, lorsqu’une pensée surgit dans notre esprit, essayons de voir d’où elle vient, et, quand elle disparaît, demandons-nous où elle est partie. Durant le bref laps de temps où les pensées passées ont disparu et les pensée futures ne se sont pas encore manifestées, observons alors la nature de notre esprit. Ne percevons-nous pas une pure conscience lumineuse, inaltérée par nos constructions mentales ?
(Matthieu RICARD, « Chemins spirituels, petite anthologie des plus beaux textes tibétains » (2010), Pocket n°14 777, 2011, p.191-192)

La citerne portugaise , El Jadida (Maroc)
Orson Welles y a tourné certaines séquences de son film Othello.