dimanche 30 décembre 2012

L'attention et la pleine conscience

« L'attention est la prise de possession par l'esprit, sous une forme claire et vive, d'un objet ou d'une suite de pensées parmi plusieurs qui semblent possibles. […] Elle implique le retrait de certains objets afin de traiter plus efficacement les autres », explique William James (1842-1910), l'un des fondateurs de la psychologie moderne, qui étudia très tôt la conscience et l'attention. L'attention est l'outil de base de la conscience : pas d'attention, pas de conscience. C'est sans doute pour cela que la phrase que prononcent le plus souvent les instructeurs de méditation est : « Maintenant, portez doucement votre attention sur... » Mais attention et conscience sont deux entités différentes. Dans l’attention on écarte (ce qui ne nous intéresse pas), alors que, dans la conscience, on accueille. L'attention procède par exclusion, la conscience par inclusion. C'est, par exemple, le problème avec l'anxiété ou la dépression, qui sont, d'une certaine manière, des troubles de l'attention : on ne fait attention qu'à nos sources de soucis, et on écarte le reste. Ce sera aussi une solution possible que de faire appel à la pleine conscience pour soigner cette attention malade : élargir le champ de notre attention dans les moments où nous nous sentons tristes ou inquiets. [...]
Le travail sur l'attention est au cœur de la pratique de la pleine conscience. Asseyez-vous, centrez-vous sur le souffle. Et voyez comme votre esprit part ailleurs. Alors, revenez sur le souffle. Une fois, dix fois, des centaines de fois. Des centaines de pas vous ont appris autrefois à marcher ; des centaines de pas continuent chaque jour de maintenir en vous cette capacité à la marche. Il en est de même de vos capacités d'attention : si vous vivez dans la dispersion et vous contentez de répondre aux sollicitations, d'aller là où ça clignote et où ça sonne, elles seront indigentes. Les exercices de pleine conscience, et surtout les centaines de « sorties d 'exercice » et les centaines de « retours à l'instant présent », représentent un entraînement mental exceptionnel. Pratiquez, pratiquez. Sinon, ne vous étonnez plus que votre esprit vous joue des tours ... 
(Christophe ANDRÉ, « Méditer, jour après jour », Éd. L’iconoclaste, 2011, p. 91-92, 97)

Dunes dans le massif de l'Akakus (Libye)

samedi 29 décembre 2012

Comprendre ce dont on n’a pas besoin

Socrate au marché
En véritable philosophe qu’il était, Socrate était d’avis que toute personne sage devait mener une vie frugale. Lui-même ne portait même pas de chaussures ; et pourtant, il tombait constamment sous le charme du marché et s’y rendait souvent pour regarder toutes les marchandises qui y étaient exposées.
À l’un de ses amis qui lui demandait pourquoi, Socrate répondit : « J’aime aller là et découvrir le nombre de choses sans lesquelles je suis parfaitement heureux. »

La spiritualité, c’est non pas savoir ce que l’on veut, mais comprendre ce dont on n’a pas besoin. On a connu des gens qui ont assuré une vie riche à eux-mêmes et à d’autres moyennant très peu de possessions. 
(Anthony de Mello, s.j., « Histoires d’humour et de sagesse » [1987], Éd. Albin Michel poche 2011 n°172, p.90-91)

Églises, île de Sifnos (Grèce)

jeudi 27 décembre 2012

Seul l'instant présent est créateur

Le temps nous apparaît comme une flèche lancée par un mystérieux archer. Quoi que nous fassions, les secondes s'écoulent, inéluctables. Nous ne pouvons ni arrêter cette flèche, ni l'accélérer, ni a fortiori la détourner. Nous avons souvent tendance à fouiller notre mémoire, à nous replonger dans le passé, mais aussi à nous projeter dans le futur, à imaginer ce que nous allons faire ou devenir. C'est tout à fait compréhensible. À une condition toutefois : que ces deux penchants ne prennent pas des proportions envahissantes au détriment de la qualité d'attention et d’'action dans l'instant présent. En ce sens, un bon rapport au temps est essentiel pour bien mener sa vie. Toutes les sagesses du monde le rappellent : le présent est le seul point de la flèche du temps où l'on peut agir, il est le seul moment créatif. Quand je parle de l'action que l'on peut et doit mener dans le présent, je ne parle pas seulement du travail, mais j'englobe également la contemplation, la passivité féconde de l'attention et de la méditation. Or, beaucoup vivent mal dans le présent tant ils sont parasités par les traumatismes du passé ou au contraire paralysés par la peur de l'avenir. ...
Pour être dans la vérité et dans la joie de l'instant présent, il nous faut donc nous dépolluer l'esprit du passé et de l'avenir, de nos remords, de nos angoisses, de nos peurs et de nos rêves, c'est-à-dire appliquer la maxime de sagesse édictée au IIe siècle par Marc Aurèle, cet empereur romain pétri de philosophie stoïcienne : « Ne te laisse pas troubler par la représentation globale de toute ta vie. » Les stoïciens avaient prôné comme attitude fondamentale de vie ce que l'on appelle en grec la prosochè, c'est-à-dire la vigilance à chaque instant de la vie, la concentration sur le moment présent délivré des attaches du passé et de l'avenir, sources de passions vaines et néfastes. Ils insistaient sur la valeur infinie de ce moment présent, « l'ici et le maintenant », le seul sur lequel on peut agir et où l'on peut agir. ...
Seul l'instant présent est créateur ; il n'y a que dans l'« ici et maintenant » que nous pouvons vraiment jouir de la vie, c'est-à-dire être dans la vraie joie. Celle-ci n'est pas un souvenir du passé ni un rêve d'avenir, sources sans doute de belles émotions, mais pas aussi puissantes que la joie. L'instant nous fait toucher l'éternité, c'est-à-dire l'absence de temporalité linéaire, le présent éternel. Nous pouvons ainsi arriver à comprendre, en le vivant pleinement, à quoi pourrait ressembler le bonheur perpétuel dont parlent les grandes religions, et qui consiste à être fixé dans une sérénité, une harmonie, une paix, une réconciliation avec soi-même et avec le monde. C'est ce que le maître bouddhiste Thich Nhat Hanh appelle « la plénitude de l'instant », une grâce qu'il trouve jusque dans les gestes les plus anodins, ceux que nous effectuons le plus souvent en pensant à autre chose. Ainsi, dit-il, quand vous buvez votre tasse de thé, appréciez l'instant présent, oubliez le passé et le futur, souriez à votre tasse, prenez-la en pensant simplement : « Je prends la tasse. » Parce qu'en la prenant, en mettant tout votre corps et votre esprit, « vous êtes en contact avec les merveilles de la vie ».
(LENOIR Frédéric, « Petit traité de vie intérieure », Plon, 2010, p. 149-150 et 159 ; ou Pocket n°15 312, 2012, p. 137-138 et 145-147)

Ne te laisse pas troubler par la représentation de ta vie tout entière. N’embrasse point en pensée quels grands et quels nombreux ennuis devront sans doute t’atteindre. Mais, à chacun des ennuis présents, demande-toi : « Qu’y a-t-il en ce fait d’intolérable et d’insupportable ? » Tu rougirais, en effet, de le confesser. Rappelle-toi ensuite que ce n’est ni le futur, ni le passé qui te sont à charge, mais toujours le présent. Et le présent se raccourcit, si tu le ramènes à ses seules limites et si tu convaincs d’erreur ton intelligence, lorsqu’elle se sent incapable de s’opposer à ce faible ennemi.
(MARC-AURÈLE (121–180 ap. J-C), « Pensées pour moi-même », Livre VIII, XXXVI)

Désert blanc (Égypte)

lundi 24 décembre 2012

Les joies de l’altruisme

Qu'est-ce que l'altruisme a à voir avec le bonheur ? Des recherches ayant porté sur plusieurs centaines d'étudiants ont mis en évidence une corrélation indéniable entre l'altruisme et le bonheur. Elles ont montré que les personnes qui se déclarent les plus heureuses sont aussi les plus altruistes. Lorsqu'on est heureux, le sentiment de l'importance de soi diminue, on est plus ouvert aux autres. Il a par exemple été montré que les personnes qui avaient vécu un événement heureux dans l'heure précédente étaient plus enclines que les autres à venir en aide à des inconnus.
Il est par ailleurs connu que la dépression aiguë s'accompagne d'une difficulté à ressentir et à exprimer de l'amour pour les autres. « La dépression est une défaillance d'amour », écrit Andrew Solomon en préambule à son ouvrage intitulé Le Démon intérieur, anatomie de la dépression. Plus probant : ceux qui ont souffert de la dépression affirment que donner de l'amour aux autres et en recevoir est un important facteur de guérison. Cette affirmation concorde avec le point de vue du bouddhisme, qui tient l'égocentrisme pour cause principale du mal-être, et l'amour altruiste pour composante essentielle du bonheur véritable. L'interdépendance entre tous les phénomènes en général, et entre tous les êtres en particulier, est telle que notre propre bonheur est intimement lié à celui des autres. Ainsi que nous l'avons souligné dans le chapitre concernant les émotions, la compréhension de l'interdépendance est donc au cœur de soukha [L’expression « bien-être » serait le plus proche équivalent du concept de soukha, si ce mot n’avait perdu de sa force pour ne plus désigner qu’un confort extérieur et un sentiment de contentement assez superficiels. …Soukha est étroitement lié à la compréhension de la manière dont fonctionne notre esprit et dépend de notre façon d’interpréter le monde, car, s’il est difficile le changer ce dernier, il est en revanche possible de transformer la manière de le percevoir.], et notre bonheur passe nécessairement par celui des autres.
Les recherches de Martin Seligman, spécialiste américain de la dépression et pionnier de la « psychologie positive », montrent que la joie qui accompagne un acte de bonté désintéressé procure une satisfaction profonde. Afin de vérifier cette hypothèse, il a demandé à ses étudiants de se livrer d'une part à une activité récréative, de «prendre du bon temps », et d'autre part à une activité philanthropique, puis d'écrire un rapport pour le cours suivant.
Les résultats furent frappants : les satisfactions engendrées par une activité plaisante (sortir avec des amis, aller au cinéma, s'offrir une pêche Melba) étaient largement éclipsées par celles qu'apportait un acte de bonté. Lorsque cet acte était spontané et avait fait appel à des qualités humaines, la journée entière s'était mieux passée : les sujets ont remarqué qu'ils étaient, ce jour-là, plus à l'écoute, plus aimables, et aussi plus appréciés des autres. « Au contraire du plaisir, conclut Seligman, l'exercice de la bonté est gratifiant. » Gratifiant dans le sens d'une satisfaction durable et d'un sentiment d'adéquation avec sa nature profonde. Jean-Jacques Rousseau notait quant à lui : « Je sais et je sens que faire du bien est le plus vrai bonheur que le cœur humain puisse goûter. »
On peut éprouver un certain plaisir en arrivant à ses fins au détriment d'autrui, mais cette satisfaction n'est que passagère et épidermique ; elle masque un sentiment de malaise qui ne tardera pas à faire surface. Une fois l'excitation passée, on est forcé d'admettre la présence d'un certain malaise. N'est-ce pas là un indice que la bienveillance est beaucoup plus proche de notre « nature véritable » que la malveillance ? Si tel est le cas, être en harmonie avec cette nature sustente la joie de vivre, tandis que s'en éloigner entraîne une insatisfaction chronique.
(Matthieu RICARD, « Plaidoyer pour le bonheur », Pocket n°12 276, 2005, p. 201-202)

Fontaine, Yerevan (Arménie)

vendredi 21 décembre 2012

Ne laissez jamais l’habitude commander votre vie

« Comment savoir quelle est la meilleure manière d’agir dans la vie ? » demanda le disciple à son maître.
Le maître lui suggéra de fabriquer une table. Quand la table fut quasi prête – il ne restait plus qu’à planter les clous dans le plateau –, le maître s’approcha. Le disciple plantait les clous en trois coups précis, mais, le dernier clou résistant davantage, il dut donner un coup supplémentaire. Le clou s’enfonça trop profondément, et le bois fut abîmé.
« Votre main était habituée à trois coups de marteau », fit remarquer le maître. « Lorsqu’une action est dirigée par l’habitude, elle perd son sens, et cela finit par causer des dommages. Chaque action est unique, et le seul secret à connaître est le suivant : ne laissez jamais l’habitude commander vos actes. »
(Paulo COELHO, « Maktub », 1994, Éditions Anne Carrière, 2004, p.131)

Acacia dans le sud de l'Adrar (Mauritanie)

mardi 18 décembre 2012

La Pleine Conscience permet de garder le contrôle de soi

Si vous êtes un critique professionnel, vous lisez un livre ou vous regardez un film avec un esprit observateur. Pendant que vous lisez ou assistez à une projection, vous êtes conscient de votre responsabilité de critique et vous ne devenez pas la « victime » du livre ou du film. Vous gardez le contrôle de vous-même. Quand vous vivez en Pleine Conscience, vous gardez aussi le contrôle de vous-même. Bien que vos fenêtres soient ouvertes sur le monde, vous n’êtes pas son esclave. Si nous avons besoin de protéger nos sens, c’est parce que nous ne sommes pas encore assez forts pour aller pleinement à la rencontre du monde, de la même façon qu’une personne ayant un rhume ou la grippe n’est pas assez forte pour supporter une douche froide.
(Thich Nhat Hanh, « La vision profonde, De la pleine conscience à la contemplation intérieure », Albin Michel n°131, 2009, p.63-64)

Bambous, Jardin Majorelle à Marrakech (Maroc)

samedi 15 décembre 2012

Le changement doit être intérieur

Parlons par exemple de l’illusion, de l’erreur de jugement qui consiste à croire qu’en changeant le monde extérieur vous changerez. Vous ne changerez pas si vous vous contentez de changer votre monde extérieur ; vous ne changerez pas en changeant de métier, de conjoint, de maison, de gourou ou de religion. Croire cela équivaut à croire que l’on change d’écriture en changeant de crayon. Ou que l’on modifie sa capacité de réfléchir en changeant de chapeau. Ces choses-là ne changent rien à ce que vous êtes. Et pourtant la plupart des gens gaspillent toute leur énergie à réaménager leur monde extérieur selon leurs changements de goûts. Ils y arrivent parfois – pour cinq minutes - et ont ainsi un petit répit. Mais ils restent tendus néanmoins, car pendant ce temps-là la vie continue à s’écouler, la vie continue à changer.
... Vous devez suivre le flot de la vie. Le grand Confucius disait : « Celui qui connaîtra un bonheur constant sera celui qui ne cessera de changer. » Le flot de la vie. Mais nous ne cessons de regarder en arrière, n’est-ce pas ?
(Anthony de Mello, s.j., « Quand la conscience s’éveille » [1984], Éd. Albin Michel 2010, p.139-140)

Fonte de neige sur un pin

mercredi 12 décembre 2012

Comment ne plus rougir

Si j'avais eu l'imprudence d'aborder un tel sujet [« L’apprentissage de la pleine conscience »] à l'époque où j'étais encore interne, je me serais fait expulser du service instantanément ! Trente ans plus tard, cela ne pose plus aucun problème : nous avons de multiples études scientifiques ad hoc, des publications dans les revues les plus éminentes, des contrôles, des expertises... Bref, vous pouvez aujourd'hui sans souci ouvrir une consultation de méditation et d'entraînement attentionnel dans le cadre d'un CHU.
C'est ce qu'a fait par exemple Antoine Pelissolo, jeune professeur de psychiatrie à la Salpétrière, à Paris, où il applique la technique de l'entraînement attentionnel aux patients qui ont des phobies pathologiques du rougissement (1). Cette pathologie s'accompagnant d'un rétrécissement du focus, la personne est à 100% focalisée sur deux questions : « Est-ce que je rougis ou non ? » et « Est-ce que les autres ont vu que je suis si mal à l'aise que je deviens plus rouge qu'une tomate ? » Plus rien au monde ne compte. Évidemment, plus vous vous focalisez sur tout cela et vous rougissez, plus les autres le remarquent et vous vous trouvez pris dans un cercle vicieux angoissant. Antoine Pelissolo demande alors à ses patients d'apprendre à élargir leur focus attentionnel. Il place la personne face à un public qui la regarde en silence. Le rougissement ne tarde pas à survenir, provoquant un grave malaise. La personne devient écarlate et voudrait disparaître. Mon confrère lui dit alors ceci : « Voilà, vous êtes en focalisation maximale sur votre problème. Ne cherchez pas à le chasser. Prenez conscience du fait qu'effectivement vous êtes très rouge et qu'effectivement il y a des gens qui vous regardent et voient que vous êtes tout rouge. C'est comme ça et nous n'y pouvons momentanément rien. Par contre, tout en hébergeant ces sensations très désagréables, essayez d'écouter les bruits autour de vous. Sans chercher à remplacer votre malaise par ces bruits, prenez-en juste conscience. Observez aussi comment vous êtes en train de respirer. Regardez aussi tous les détails de la pièce où nous sommes. Observez votre interlocuteur : ses vêtements, ses gestes, écoutez ses propos. Tout cela sans fuir les émotions désagréables que vous ressentez, mais en invitant d'autres éléments à votre conscience. » Autrement dit, le flot émotionnel est toujours là, mais il va peu à peu s'écouler de manière différente. Au lieu de se focaliser exclusivement sur son problème, la personne va progressivement ouvrir en elle de nouvelles voies, grâce à cet entraînement attentionnel, qu'elle est ensuite chaudement invitée à pratiquer de façon régulière, même quand tout va très bien. Une telle méthode fait que beaucoup de gens que des années de thérapie introspective n'ont pas réussi à guérir s'en sortent enfin, souvent de manière spectaculaire.
(Christophe ANDRÉ, Pierre BUSTANY, Boris CYRULNIK, Thierry JANSSEN, Jean-Michel OUGHOURLIAN, Entretiens avec Patrice VAN EERSEL « Votre cerveau n’a pas fini de vous étonner » (2012), Éditions Albin MICHEL 2012, p.148-149)
(1) « Ne plus rougir et accepter le regard des autres » Antoine PELISSOLO, avec Stephane Roy, Odile Jacob, 2009.

Vitrail, par Folon (Église Saint-Etienne à Waha, Belgique)

dimanche 9 décembre 2012

Ne pas être prisonniers de nos pensées et de nos émotions

Albert Einstein a également articulé avec clarté importance de voir avec une vision d’ensemble. À la fin du programme de réduction du stress, nous donnons à nos patients un livret. La dernière page se termine par quelques lignes tirées d’une lettre d’Einstein et publiées dans le New York Times du 29 mars 1972. Cette lettre est très parlante, en partie car elle capture si bien l’esprit de la pratique de la méditation et aussi parce qu’elle a été dite par un scientifique qui, plus que tout autre, a révolutionné nos concepts de la réalité physique et démontré l’unité de l’espace et du temps ainsi que de la matière et l’énergie.
... Le passage suivant est extrait d’un courrier qu’il a écrit en réponse à un rabbin. Celui-ci lui avait expliqué dans une lettre qu’il avait cherché en vain à réconforter sa fille de dix-neuf ans au sujet de la mort de sa sœur, une « enfant pure et belle de seize ans ». Cette lettre à Einstein était clairement un appel à l’aide, venant d’une des expériences humaines les plus douloureuses, la mort d’un enfant. Einstein répondit :
Un être humain est une partie de la totalité, que nous appelons « univers », une partie limitée dans le temps et l’espace. Il fait l’expérience de lui-même, de ses pensées et de ses sentiments, comme de quelque chose de séparé du reste – une sorte d’illusion optique de sa conscience. Cette illusion est une sorte de prison pour nous, nous limitant à nos désirs personnels et à notre affection pour quelques personnes les plus proches de nous. Notre tâche doit être nous libérer de cette prison en élargissant notre cercle de compassion pour embrasser toutes les créatures vivantes et la nature entière dans sa beauté. Personne n’est capable de réaliser cela complètement, mais tendre à cet accomplissement est en soi une part de la libération et le fondement d’une sécurité intérieure.
Dans sa réponse, Einstein suggère que nous pouvons facilement devenir prisonniers de nos pensées et de nos émotions, et être aveuglés par elles, car nous sommes uniquement préoccupés par les côtés particuliers notre vie et de nos désirs en tant qu’êtres séparés. Il ne minimise pas la souffrance que nous vivons dans une telle perte. Mais il dit que notre préoccupation extrême pour notre vie séparée ignore un niveau autre et fondamental de la réalité. Selon lui, nous arrivons tous dans ce monde, puis le quittons comme des agrégats passagers d’énergie structurée. Einstein nous invite à voir l’ensemble comme plus fondamental que les parties. Il nous rappelle que notre expérience de nous-mêmes, comme séparés et permanents, est une illusion qui, au final, nous emprisonne.
(Dr Jon Kabat-Zinn, « Au cœur de la tourmente, la pleine conscience » (1989), J’ai Lu n°9 932, 2012, Préfaces de Thich Nhat Hanh (1989) et Christophe André (2009), p. 301-303)
Jon Kabat-Zinn est l’inventeur d’une méditation accessible à tous : la « méditation en pleine conscience ». À ce jour [en 2012], plus de 550 centres, hôpitaux ou cliniques utilisent la MBSR aux États-Unis, et plus de 700 à travers le monde, l’utilisent comme outil de soin.

Jardin public, Madrid (Espagne)

mercredi 5 décembre 2012

Prendre les rênes de sa vie en main (II)

Tant que nous ne nous engageons pas, le doute règne, la possibilité de se rétracter demeure et l’inefficacité prévaut toujours. En ce qui concerne tous les actes d’initiatives et de créativité, il est une vérité élémentaire dont l’ignorance a des incidences innombrables et fait avorter des projets splendides. Dès le moment où l’on s’engage pleinement, la providence se met également en marche. Pour nous aider, se mettent en œuvre toutes sortes de choses qui n’auraient jamais eu lieu autrement. Tout un enchaînement d’événements, de situations et de décisions crée en notre faveur toutes sortes d’incidents imprévus, des rencontres et des aides matérielles que nous n’aurions jamais rêvé trouver sur notre chemin … Tout ce que l’on peut faire ou rêver de faire peut être entrepris. L’audace renferme en soi génie, pouvoir et magie.
(Goethe, cité par Dr Jon Kabat-Zinn John, « Au cœur de la tourmente, la pleine conscience » (1989), J’ai Lu n°9 932, 2012, Préfaces de Thich Nhat Hanh (1989) et Christophe André (2009), p. 318)

Escalade, Orgues basaltiques de la vallée de Garni (Arménie)

dimanche 2 décembre 2012

Prendre les rênes de sa vie en main (I)

Un dompteur de cirque parvient à dresser un éléphant en recourant à une technique très simple : alors que l’animal est encore jeune, il lui attache une patte à un tronc d’arbre très solide. Malgré tous ses efforts, l’éléphanteau n’arrive pas à se libérer. Peu à peu, il s’habitue à l’idée que le tronc est plus fort que lui. Une fois qu’il est devenu un adulte doté d’une force colossale, il suffit de lui passer une corde au pied et de l’attacher à un jeune arbre. Il ne cherchera même pas à se libérer.
Comme ceux des éléphants, nos pieds sont entravés par des liens fragiles. Mais, comme nous avons été accoutumés dès l’enfance à la puissance du tronc d’arbre, nous n’osons pas lutter.
Sans savoir qu’il nous suffirait d’un geste de courage pour découvrir toute notre liberté.
(Paulo COELHO, « Maktub », 1994, Éditions Anne Carrière, 2004, p. 73 ; J'ai Lu n°9651, 2011, p.68)

J’ai soudain réalisé que la vie ne commence pas « plus tard ». Elle commence « maintenant ». Elle est là « maintenant ». À tout moment on peut prendre les rênes en mains et guider son propre destin.
(Roger Waters, co-fondateur du groupe Pink Floyd, interview extraite de « Dark side of the moon , The making of », 2003. [21ème’])

Éléphants, Réserve de Nazinga (Burkina-Faso)