mardi 28 août 2012

La force de la douceur

Au bord de la rivière Piedra se trouve un monastère entouré d’une végétation florissante – une véritable oasis au milieu des terres arides de cette région d’Espagne. C’est là que la petite rivière devient un cours d’eau torrentueux et se divise en de multiples cascades.
Le voyageur traverse la contrée, écoutant la musique de l’eau. Soudain, au pied d’une cascade, une grotte attire son attention. Il observe soigneusement la pierre polie par le temps et les belles formes que la nature a patiemment créées. Puis il découvre, inscrits sur une plaque, les vers de Rabindranath Tagore :
« Ce n’est pas le marteau qui a rendu ces pierres si parfaites, mais l’eau, avec sa douceur, sa danse et sa chanson. »
Là où la dureté ne fait que détruire, la douceur parvient à sculpter. (Paulo COELHO, « Maktub », 1994, Éditions Anne Carrière, 2004, p. 48)

Rcoche sculptée par le vent, Désert blanc (Égypte)

vendredi 24 août 2012

Cultiver les émotions positives


« Aimez toute la Création dans son ensemble et dans ses éléments, chaque feuille, chaque rayon, les animaux, les plantes. En aimant chaque chose, vous comprendrez le mystère divin dans les choses. L’ayant une fois compris, vous le connaîtrez toujours davantage chaque jour. Et vous finirez par aimer le monde entier d’un amour universel. » ( Dostoïevski, « Les Frères Karamazov », Chap. III Extrait des entretiens et de la doctrine du starets Zosime, g. )

Les émotions positives comme la compassion ont leur base au plus profond de la nature humaine, et il est de ce fait possible de les cultiver. Tradition tibétaine (« Himalaya éternel », 365 pensées, par Marie-Laure Vareilles, éditions sky.com, 2009, pensée du 16 mars)

Un des lacs d'Ubari (Libye)

lundi 20 août 2012

Le moment présent et la métaphore des bananes

Un ami du voyageur décida de passer quelques semaines dans un monastère au Népal. Un après-midi, il entra dans l’un des nombreux temples et il y vit un moine qui souriait, assis sur l’autel.
« Pourquoi souriez-vous ? » lui demanda-t-il.
– « Parce que je vient de comprendre ce que signifient les bananes », répondit le moine, ouvrant son sac et en sortant une banane toute pourrie. « Celle-ci, c’est la vie qui s’en est allée, que l’on n’a pas saisie au bon moment ; désormais il est trop tard. »
Ensuite, il retira de son sac une banane encore verte. Il la montra à l’homme, puis la remit à sa place. « Celle-là, c’est la vie qui n’est pas encore advenue, il faut attendre le bon moment », ajouta-t-il.
Enfin, il prit une banane mûre, dont il enleva la peau, et la partagea avec l’ami du voyageur en disant : « Voici le moment présent. Sachez le vivre sans crainte. »
(Paulo COELHO, « Maktub », 1994, Éditions Anne Carrière, 2004, p.100)

Gentianes printanières, Massif de l'Aragat (Arménie)

samedi 18 août 2012

Prêter attention aux gestes que nous faisons machinalement

Gestes machinaux et pleine conscience
L’un des exercices de développement personnel les plus efficaces consiste à prêter attention aux gestes que nous faisons machinalement – par exemple, respirer, cligner des yeux, remarquer les objets qui nous entourent.
Ce faisant, nous permettons à notre cerveau de travailler plus librement, sans l’interférence de nos désirs. Certains problèmes qui paraissaient insolubles finissent par se résoudre, certaines difficultés que nous pensions insurmontables finissent par se dissiper sans effort.
Lorsque vous devez affronter une situation délicate, efforcez-vous de recourir à cette technique. Elle exige un peu de discipline, mais les résultats peuvent se révéler surprenants.
(Paulo COELHO, « Maktub », 1994, Éditions Anne Carrière, 2004, p.161)

Comment arrêter de se ronger les ongles
Un patient âgé de trente-deux ans alla consulter le thérapeute Richard Crowley : « Je ne peux pas arrêter de me ronger les ongles », se plaignit-il.
- « Ne vous inquiétez pas », lui répondit Crowley. « Simplement, rongez un doigt différent chaque jour de la semaine. »
Le patient s’efforça de suivre ce conseil. Chaque fois qu’il portait la main à sa bouche, il devait choisir consciemment le doigt qui, ce jour-là, ferait l’objet de son attention. Avant que la semaine ne fût terminée, il était guéri.
« Lorsqu’un vice devient une habitude, il est difficile de le combattre », dit Richard Crowley. « Mais quand il commence à exiger de nous des attitudes nouvelles, des décisions, des choix, alors nous prenons conscience du fait qu’il ne mérite pas autant d’efforts. »
(Paulo COELHO, « Maktub », 1994, Éditions Anne Carrière, 2004, p.33)

Thé à Essendilène (Algérie)

vendredi 10 août 2012

Un conte de fées

Vers l’an 250 avant Jésus-Christ, dans la Chine ancienne, un prince de la région de Thing-Zda était sur le point d’être couronné empereur ; mais selon la loi, il devait d’abord se marier.
Comme il s’agissait de choisir la future impératrice, le prince devait trouver une jeune fille à qui il pût accorder une confiance aveugle. Conseillé par un sage, il décida de convoquer toutes les jeunes filles de la région, pour trouver celle qui en serait la plus digne.
Une vieille femme, servante du palais depuis des années, entendant parler des préparatifs en vue de l’audience, éprouva une grande tristesse, car sa fille nourrissait un amour secret pour le prince.
Rentrant chez elle, elle raconta le fait à la jeune fille ; elle eut la surprise d’entendre qu’elle avait l’intention de se présenter elle aussi.
La femme était désespérée : « Que vas-tu faire là, ma fille ? Seules seront présentes les filles les plus belles et les plus riches de la cour. Retire-toi cette idée insensée de la tête ! Je sais bien que tu souffres, mais ne transforme pas la souffrance en folie ! »
Et la fille répondit : « Mère chérie, je ne souffre pas et je suis encore moins devenue folle ; je sais que je ne pourrai jamais être choisie, mais c’est l’occasion de me trouver quelques instants au moins près du prince, cela me rend déjà heureuse – même si je sais que ce n’est pas mon destin. »
Le soir, quand la jeune fille arriva, se trouvaient effectivement au palais toutes les plus belles filles, portant les plus beaux vêtements, les plus beaux bijoux, et prêtes à se battre par tous les moyens pour l’opportunité qui leur était offerte.
Entouré de sa cour, le prince annonça la compétition : « Je vais donner à chacune de vous une graine. Celle qui, dans six mois, m’apportera la fleur la plus belle, sera la future impératrice de Chine. »
La jeune fille prit sa graine, la planta dans un pot, et comme elle n’était pas très habile dans l’art du jardinage, elle soigna la terre avec beaucoup de patience et de tendresse – car elle pensait que si la beauté des fleurs se développait à la mesure de son amour, elle n’avait pas à s’inquiéter du résultat.
Trois mois passèrent et rien ne poussa. La jeune fille tenta un peu tout, parla avec des cultivateurs et des paysans qui lui enseignèrent les méthodes de culture les plus diverses, mais elle n’obtint aucun résultat. De jour en jour, elle sentait son rêve s’éloigner, bien que son amour demeurât aussi vif.
Finalement, les six mois écoulés, rien n’était sorti dans son pot. Sachant qu’elle n’avait rien à montrer, elle était cependant consciente de ses efforts et de son dévouement durant tout ce temps ; elle annonça donc à sa mère qu’elle retournerait au palais, à la date et à l’heure fixées. Dans son for intérieur, elle savait que ce serait là sa dernière rencontre avec son bien-aimé, et elle n’avait l’intention de la manquer pour rien au monde.
Le jour de la nouvelle audience arriva. La jeune fille se présenta avec son pot sans plante, et elle vit que toutes les autres prétendantes avaient obtenu de bons résultats ; leurs fleurs étaient plus belles les unes que les autres, de toutes formes et de toutes couleurs.
Enfin vint le moment attendu : le prince entra et observa chacune des prétendantes avec beaucoup de soin et d’attention. Après qu’il fut passé devant toutes, il annonça sa décision – et il désigna la fille de sa servante comme sa nouvelle épouse.
Tous les assistants se mirent à protester, disant qu’il avait choisi justement celle qui n’avait réussi à cultiver aucune plante.
C’est alors que, calmement, le prince expliqua la raison de ce défi : « Elle seule a cultivé la fleur qui l’a rendue digne de devenir impératrice : la fleur de l’honnêteté. Toutes les graines que j’avais remises étaient stériles et ne pouvaient pousser en aucune façon. »
(Paulo COELHO, « Comme le fleuve qui coule », Flammarion, 2006, p. 150-152)

Apsara, Angkor (Cambodge)