samedi 17 décembre 2011

Ensemencer la nuit

"Les pensées positives du soir:
Cet exercice est un classique de la psychologie positive. Il consiste à se demander chaque soir peu avant de s’endormir : quels bons moments ai-je vécus aujourd’hui ? Souvent, les personnes à qui l’on propose ce travail commencent par chercher non pas de bons moments mais des grands moments, des grandes joies. En fait, ce sont simplement des petits bonheurs que l’on suggère d’évoquer, dans une démarche simple. Nous disposons de travaux montrant les bénéfices de ces exercices. Bénéfices qui semblent plus clairs encore lorsqu’on demande de centrer ces pensées positives sur des états d’âme de gratitude : en quoi ces bons moments que j’ai vécus sont-ils dus à d’autres personnes ? Penser alors aux gestes directs dont j’ai bénéficié, mais aussi indirects : les humains qui ont créé et entretenu le sentier sur lequel j’ai marché, ceux qui ont écrit et joué la musique que j’ai écoutée, fait pousser le fruit que je mange …"

Christophe ANDRÉ, « Les états d’âme, un apprentissage de la sérénité », Éd. Odile Jacob, 2009 [2011 pour l’édition poche, n°295], p. 401-402

Coings

Guérir la colère

"À force d’explorer les méandres de nos motivations inconscientes, la psychologie moderne a fini par considérablement sous-estimer l’importance de nos décisions conscientes dans les processus de changement. Or décider de laisser de moins en moins de place à la colère et au ressentiment dans sa vie, c’est possible. En tout cas, ce qui est possible, c’est de décider d’y travailler. En Sachant que, comme dans tous les combats contre les habitudes, il y aura de nombreuses rechutes et retours de ressentiment : nous devons accepter que ça revienne régulièrement sans le considérer comme la preuve que c’est impossible, mais simplement que ces retours font partie du processus de changement. En France, et plus généralement dans les pays latins, les efforts à faire face à la colère ne sont guère soulignés, et il existe davantage de livres consacrés de manière plus ou moins directe à l’éloge de la colère ou au droit à la colère, que de manuels expliquant comment la contrôler. Dans d’autres pays, la colère est prise plus au sérieux : aux États-Unis par exemple, mais aussi dans bien d’autres endroits, existent des centres de soins spécialisés et des sites Internet dédiés aux colériques qui veulent ne plus l’être".

Christophe ANDRÉ, « Les états d’âme, un apprentissage de la sérénité », Éd. Odile Jacob, 2009 [2011 pour l’édition poche, n°295], p. 158

Le gardien du temple, Ladakh

Guérir la dépression...durablement

"… Notre biologie cérébrale est malléable : c’est ce qu’on appelle la neuroplasticité. Toute difficulté psychologique s’ancre certes dans une réalité cérébrale biologique : lorsqu’on est déprimé ou anxieux, cela n’est pas immatériel, mais correspond à des dysfonctionnements cérébraux. Mais il n’y a pas que les difficultés : tous les phénomènes cérébraux reposent sur de la biologie. Agir, sentir, aimer : tout cela passe par notre circuiterie cérébrale. Apprendre à lire, à compter, à changer aussi. Tout changement régulier, tout apprentissage s’imprime peu à peu dans notre cerveau. Lorsque nous apprenons à jouer d’un instrument de musique, nous créons des connexions entre différentes zones cérébrales (cortex moteur, auditif, visuel, etc.). Et de même, lorsque nous apprenons à comprendre et réguler nos états d’âme, et les comportements et pensées qui leur sont associés. On a montré dans des études conduites auprès de personnes déprimées ou anxieuses que, grâce aux efforts effectués en psychothérapie, nous pouvions en quelque sorte réparer ou compenser les dysfonctionnements de nos neurotransmetteurs. Comme le font les médicaments. Et durablement. Ce que ne font pas, ou pas toujours, les médicaments …"

Christophe ANDRÉ, « Les états d’âme, un apprentissage de la sérénité », Éd. Odile Jacob, 2009, p. 242

Ladakh, cultures

L'art sacré

"La société humaine est un vaste champ de bataille où sont confrontés les ténèbres et la lumière, l'irréel et le réel, l'involution et l'évolution, le mensonge et la vérité, la souffrance et la sérénité. Les émotions individuelles sont les alliées toutes-puissantes de l'aveuglement. Tout art fondé sur les émotions de l'artiste excite et nourrit celles des spectateurs ou auditeurs et, du point de vue de l'éveil, agit comme un hypnotique."

 Arnaud Desjardins, Les chemins de la sagesse, Tome II, Ed. La Table Ronde, p.39

Delhi, Mausolée d'Humayun, reflet

Les nourritures subtiles

"Nous devons d'abord être convaincus qu'à chaque seconde, ce que nous percevons ou faisons contribue à constituer notre être. Si d'un côté, je lutte pour grandir et me transformer et que, d'un autre, je me soumets à des influences qui me maintiennent au niveau ordinaire, physique de la vie, je ne peux pas accéder aux plans ou aux états supérieurs de l'être."

Arnaud Desjardins, Les chemins de la sagesse, Tome II, Ed. La Table Ronde, p.40

mercredi 7 décembre 2011

Tendre l'oreille à nos états d'âme

"Il y a de nombreuses façons d’approcher ses états d’âme. Souvent, il faut s’arrêter. S’arrêter de faire ce qu’on est en train de faire : travailler, courir, pester contre le monde … Nos états d’âme sont toujours là, en bruit de fond. On s’arrête et on écoute, comme on le fait en forêt, lorsqu’on cesse de marcher et qu’on tend l’oreille ; on entend alors le vent, les arbres, les oiseaux, toute la rumeur des bois. Simplement s’arrêter et observer ce qui murmure en nous est souvent suffisant, au début. Puis on veut aller un peu plus loin : alors, il nous faudra apprendre à mieux écouter et mieux observer nos états d’âme, par exemple par la méditation, dont nous parlerons, ou par l’écriture de soi, dont nous parlerons aussi. Il y a ainsi beaucoup d’apprentissages et de pratiques qui vont nous permettre de plonger dans nos états d’âme, nous apprendre à les observer, à les décomposer… . Il existe dans la méditation zen une belle métaphore, celle de la cascade : chacun de nous peut observer ses états d’âme, tout en restant très proche de ceux–ci, à l’image du promeneur qui s’est glissé derrière la cascade, et se trouve transitoirement à l’abri entre le rocher et le torrent qui dégringole – un peu trempé, un peu tremblant, mais protégé et privilégié. Un des objectifs de la méditation dite de pleine conscience est ainsi de se mettre un instant sur le côté, et de voir passer ses états d’âme, les décomposer, les comprendre. Mais sans chercher à en arrêter le flot : qui songerait à couper l’eau d’une cascade ?"

Christophe ANDRÉ, « Les états d’âme, un apprentissage de la sérénité », Éd. Odile Jacob, 2009, p. 22-23

Niger

Rémanence et résurgence

"Autre caractéristique des états d’âme : leur rémanence. La rémanence, c’est la persistance partielle d’un phénomène après la disparition de sa cause. Par essence, les états d’âme durent au-delà des situations qui les ont justifiés ou déclenchés. Il y a aussi avec eux un fréquent effet de résurgence : leur réapparition, analysée avec mille finesses à des jours, ou des années de distance, est un des charmes des romans de Marcel Proust : « Rien qu’un moment du passé ? Beaucoup plus, peut-être ; quelque chose qui, commun à la fois au passé et au présent, est beaucoup plus essentiel qu’eux deux … » Les états d’âme, c’est le sillage de nos faits et gestes, tous les interstices par lesquels notre passé, ou nos attentes, s’invite à la table du présent. C’est tout ce qui reste en nous après que le train de la vie est passé.
Pour parler de nos états d’âme nous disposons de nombreux mots : état d’esprit, humeurs, sentiments. Les Anglais parlent de feeling, mood. Dans la littérature scientifique, le terme que je préfère, le plus approchant, est celui qu’utilise le chercheur en neurosciences Antonio Damasio, qui parle de « sentiments d’arrière-plan », appellation qui a le mérite de rappeler leur discrétion. Mais « états d’âme », c’est plus joli, non ?"

Christophe ANDRÉ, « Les états d’âme, un apprentissage de la sérénité », Éd. Odile Jacob, 2009, p. 22

Niger

La météo psychique

"… Les états d’âme existent en permanence, sans intervention volontaire de notre part. Nous en avons une conscience plus ou moins claire et, en tout cas, ils sont toujours accessibles à nos efforts d’introspection. D’où leur importance dans l’idée de « vie intérieure », qui ferait comme un écho à une « vie extérieure » (même si les choses sont bien sûr un peu plus compliquées et mêlées). Nos états d’âme s’invitent dans chacune de nos activités. En remplissant un formulaire administratif, vous pensez que vous ne faites que le remplir. Mais non, il y a aussi des états d’âme plus ou moins flottants qui sont sans doute en train de prendre vie : agacement de perdre du temps avec ces paperasseries, inquiétude de ne pas faire d’erreurs, envie d’être ailleurs, peut-être même quelques souvenirs d’enfance de pénibles devoirs sur table… Comme une météo psychique, nos états d’âme sont un climat mental, beau ou morose, parfois stable sur plusieurs jours, parfois changeant plusieurs fois dans la journée…"

Christophe ANDRÉ, « Les états d’âme, un apprentissage de la sérénité », Éd. Odile Jacob, 2009, p. 21-22

Arc en ciel dans les Vosges

jeudi 1 décembre 2011

Etats d'âme

"On pourrait définir les états d’âme en disant qu’ils sont des contenus mentaux, conscients ou inconscients, mêlant états du corps, émotions subtiles et pensées automatiques, et qui vont influencer la plupart de nos attitudes. Nous ne leur accordons en général que peu d’attention ni ne leur consacrons d’efforts, que ce soit pour les comprendre, les intégrer à notre réflexion, ou leur demander de se mettre à notre service… Ils font tout cela d’eux-mêmes, tout seuls : leur rôle, et leur influence sur ce que nous sommes et ce que nous faisons, est immense. …
Nos états d’âme sont davantage que des pensées ou des émotions : ils sont leur mélange. Aucune émotion n’est exempte de pensée, aucune pensée n’est pure de souvenir, aucun souvenir n’existe sans émotion, etc. Les états d’âme sont l’expression de ce grand mélange indissociable de tout ce qui se passe en nous et autour de nous : mélange d’émotions et de pensées, de corps et d’esprit, de dehors et de dedans, de présent et de passé. Ce mélange est évidemment aussi riche que compliqué : impur, unique, labile, toujours recommencé, jamais exactement le même. Comme les vagues de la mer …
Les états d’âme ne sont pas seulement un empilement d’idées, émotions ou sensations, mais aussi une construction originale : la fusion, la synthèse que nous effectuons automatiquement, entre le dedans (état du corps et vision du monde) et le dehors (réactivité à ce qui nous arrive : nous sommes touchés par les événements). Les états d’âme sont un phénomène psychique agrégateur : ils relient passé, présent et futur dans un sentiment de cohérence et de destinée. Ils sont comme le liquide d’un bain conducteur d’électricité : grâce à eux, tout s’embrase et tout s’éclaire, nous éprouvons illumination ou menace, nos souffrances s’apaisent doucement ou furieusement redoublent."

Christophe ANDRÉ, « Les états d’âme, un apprentissage de la sérénité », Éd. Odile Jacob, 2009, p. 20-21

Ardoises peintes, monastère de Hemis, Ladakh


Consommer pour se consoler?

"Toutes les études concordent : plus les traits matérialistes sont élevés chez une personne, plus son niveau de bien-être personnel est bas, et haut le risque de présenter des souffrances psychologiques. Ceci est particulièrement net chez les adolescents et les étudiants, sans doute parce qu’il s’agit des populations les plus fragiles : les plus fortement exposées aux pressions sociales et publicitaires sur ce qu’il faut avoir pour être quelqu’un de bien, et les moins au clair avec ce qui compose une vie heureuse et intéressante. Mais tout le monde est bien évidemment concerné.
Dans une intéressante étude de suivi sur dix-neuf ans, auprès d’environ douze mille personnes, on a pu montrer que plus quelqu’un exprimait des valeurs et des objectifs matérialistes à un moment donné, plus, lorsqu’on évaluait ce qu’était devenue sa vie quelque vingt ans après, on retrouvait de dégâts en termes de qualité de vie privée et de sentiment de bonheur."

Christophe ANDRÉ, « Les états d’âme, un apprentissage de la sérénité », Éd. Odile Jacob, 2009, p. 295


24 heures par jour

"Il y a des choses qui sont disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il ne tient qu’à nous de savoir en profiter. L’air pur est disponible vingt-quatre heures par jour. La question est de savoir si nous avons le temps et la conscience de l’apprécier. On ne peut pas reprocher à l’air pur de ne pas être là ! Demandons-nous plutôt si nous avons su prendre le temps d’être conscients de l’air pur et de le savourer. Notre pleine conscience est l’une des conditions qui nous aident à être libres de vivre pleinement ce qui se trouve là. Si notre pleine conscience n’est pas là, alors il n’y aura rien à apprécier. Nous ne serons pas conscients du soleil, de l’air pur, des étoiles, de la lune, des êtres humains, des animaux et des arbres.
L’écrivain André Gide a dit que Dieu est présent vingt-quatre heures par jour. Dieu est bonheur. Dieu est paix. Pourquoi ne savons-nous pas apprécier Dieu ? Parce que nous ne sommes pas libre : notre esprit n’est pas là. Pourtant nous avons la capacité de toucher Dieu, de l’apprécier. La pratique de la pleine conscience nous aide à nous libérer pour savourer ce qui est là."

Thich Nhat Hanh, « Bouddha et Jésus sont frères », J’ai Lu n°11 555, 2010, p. 7-8

Lampes à beurre dans un monastère, Ladakh